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Débat entre scientifiques


Un échange entre deux scientifiques qui permet d'enrichir le débat et notre argumentaire.

 

Argumentaire de Christophe Duchateau CNRS de Pau

 

 

Bonsoir à toutes et tous, 

Bien que les gaz de schiste ne soient pas tout à fait l'objet de mes recherches, j'ai eu l'occasion d'accumuler quelques connaissances sur le sujet (certes partielles, mais déjà intéressantes... c'est parfois utile de travailler dans un laboratoire spécialisé dans le génie pétrolier). 

Tout d'abord, un petit rappel pour ceux qui ne connaîtraient pas le sujet, les gaz de schistes sont tout simplement du gaz naturel (méthane + éthane + propane... + vapeur d'eau + quelques gaz "acides" : CO2, H2S... en proportions variables), piégé dans une roche à porosité fermée (les minuscules poches de gaz ne communiquent pas entre elles). 

Pour accéder à des quantités de gaz suffisantes pour justifier l'investissement initial (forage, consolidation du puits, installations de récupération et traitement du gaz...), il est nécessaire de fracturer la roche. Cette fracturation se fait en remplissant le puits avec un liquide que l'on comprime... c'est là l'étape qui fait le plus débat. 

La fracturation présente deux principales difficultés techniques, sources de risques : 

- Lorsque l'on cesse de comprimer le liquide, la pression naturelle du sous-sol a tendance à refermer les fractures que l'on vient de créer. Pour éviter cela, il est nécessaire d'utiliser un liquide contenant des particules qui vont s'insérer dans les fissures et les maintenir ouvertes. Dans la réalité cela revient à mettre du sable dans de l'eau (les compagnies pétrolières préfèrent en effet utiliser ce fluide comme point de départ car il est très peu compressible, abondant et pas cher)... or le sable ne reste pas naturellement en suspension dans l'eau, il faut donc ajouter quelques additifs qui vont l'y aider. Pour cela on fait appel principalement à des polymères plus ou moins tensioactifs (de grosses molécules qui vont avoir à la fois une affinité pour l'eau et une affinité pour le sable, tout en rendant le mélange un peu plus visqueux). Une part non négligeable des polymères disposant des propriétés souhaitées sont inoffensifs (on en trouve par exemple dans les gels coiffants, dans des dentifrices, voire même dans des produits alimentaires...), d'autres sont nettement plus polluants (ce qui rend leur utilisation plus difficile et suffit bien souvent à justifier leur remplacement par des solutions plus "écologiques").

- On ne souhaite créer de fractures que dans une partie du sous-sol (le réservoir de gaz), or le puits traverse plusieurs strates avant d'arriver dans celle contenant le gaz. Il faut donc faire en sorte de renforcer et étanchéifier le puits dans les zones à préserver. Les puits, quelle que soit la raison de leur forage, sont toujours renforcés et étanchéifiés, surtout pour éviter leur effondrement. Dans le cas d'un puits destiné produire des gaz de schiste, il faut juste prévoir un renfort plus conséquent (le risque de fuite est toujours présent mais nettement diminué, au point de tendre vers zéro).

  

Les questions qui "fâchent" sont donc l'utilisation de "produits chimiques" et le risque que les fractures créées permettent à la fois au gaz et aux "produits chimiques" de polluer des réserves d'eau souterraine. 

La question des "produits chimiques" peut être réglée à la condition que nos politiciens interdisent l'utilisation des plus polluants, ce qui revient à limiter le choix à "on ne produit pas de gaz" ou "on utilise un additif non polluant".

La question des fissures trop importantes ou mal placées est un peu plus subtile car elle est liée non pas à une action volontaire mais à un "incident". On peut par exemple envisager d'interdire la fissuration (et donc la production) dans les zones où sont présents des aquifères d'eau potable (n'oublions pas que beaucoup d'aquifères contiennent de l'eau salée, chargé en arsenic, en plomb...).

  

Pour l'instant en France les puits en projets sont des puits d'exploration (on creuse à la verticale pour voir ce qu'il y a sous nos pieds), ils ne sont pas utilisable pour créer une fracturation et encore moins pour produire du gaz de schiste. Ils témoignent uniquement d'un souhait de trouver du gaz et offrent aussi la possibilité de savoir si les aquifères rencontrés contiennent une eau potable ou pas. Nous sommes donc dans une situation où il est nécessaire de vérifier (et si nécessaire adapter) le cadre réglementaire de l'exploitation (car in fine c'est ce vers quoi on s'achemine). Il est aussi important de surveiller attentivement ces forages d'exploration pour éviter la tentation de faire passer un aquifère d'eau potable pour un aquifère d'eau saumâtre (afin d'augmenter les chances d'obtenir une autorisation d'exploiter le gisement). Le BRGM (bureau des recherches géologiques et minières) peut très certainement s'occuper de cette surveillance (à la condition qu'il soit mandaté pour).

 

J'espère que ces quelques éléments seront utiles à vos réflexions (en attendant les éventuelles précisions/corrections des collègues).

 

 

 


 

Réponse de Alain Bourg ancien du BRGM

 

 

Bonsoir,
si vous le souhaitez je peux vous en parler.
Brièvement il y a 3 problèmes
1. le risque sismique augmenté par la fracturation
2. cette hydro fracturation nécessite beaucoup d'eau
3. A l'eau on ajoute des produits chimiques pas nécessairement très propres puisque les foreurs ne veulent pas nous dire ce que c'est.
_____________________________
 
"Une part non négligeable des polymères disposant des propriétés souhaitées sont inoffensifs (on en trouve par exemple dans les gels coiffants, dans des dentifrices, voire même dans des produits alimentaires...)" .
Je ne souhaite pas retrouver dans mon eau potable la même chose que dans mon dentrifrice et surtout pas ce qu'il y a dans des gels coiffants.
 
Et je ne parle même pas des autres polymères que vous semblez négliger "d'autres sont nettement plus polluants (ce qui rend leur utilisation plus difficile et suffit bien souvent à justifier leur remplacement par des solutions plus "écologiques")" De quelles solutions parlez vous? Les compagnies pétrolières vous ont elles données ces formulations?
 
"Lorsque l'on cesse de comprimer le liquide, la pression naturelle du sous-sol a tendance à refermer les fractures que l'on vient de créer." Vous oubliez le problème crée par la fracturation des roches. Au niveau de la même problématique, en géothermie de fracturation de roches sèches "Hot Dry Rock" des séismes de faible amplitude mais fréquents ont été observé lors de  travaux de fracturation de ce type par exemple à Bâle. Travaux arrétés car des dégats mineurs mais nombreux ont été constatés sur de nombreuses maisons dans la région de Bâle.
 
"On ne souhaite créer de fractures que dans une partie du sous-sol (le réservoir de gaz), or le puits traverse plusieurs strates avant d'arriver dans celle contenant le gaz. Il faut donc faire en sorte de renforcer et étanchéifier le puits dans les zones à préserver. Les puits, quelle que soit la raison de leur forage, sont toujours renforcés et étanchéifiés, surtout pour éviter leur effondrement. Dans le cas d'un puits destiné produire des gaz de schiste, il faut juste prévoir un renfort plus conséquent (le risque de fuite est toujours présent mais nettement diminué, au point de tendre vers zéro)."
Je vois votre compétence théorique mais pas pratique. Le problème de l'étanchéité d'un forage pour une couche donnée ne présente pas un problème technique majeur. " quelle que soit la raison de leur forage, sont toujours renforcés et étanchéifiés, surtout pour éviter leur effondrement." Les forages ne sont pas "étanchéfiés" (ce n'est pas le bon mot) pour éviter leur effondrement mais pour éviter des écoulements de fluides (eaux, gaz) aux profondeurs de leur cimentation.
 
"La question des "produits chimiques" peut être réglée à la condition que nos politiciens interdisent l'utilisation des plus polluants, ce qui revient à limiter le choix à "on ne produit pas de gaz" ou "on utilise un additif non polluant"." Vous n'êtes pas au courant des autorisations en cours par le Ministère de l'Ecologie  pour des forages.
J'ajouterai là un argument écologique à celui écoomique sous jacent à vos propos.On peut vivre sans gaz de schiste mais on ne peut pas voivre sans eau de qualité.
 
"La question des fissures trop importantes ou mal placées est un peu plus subtile car elle est liée non pas à une action volontaire mais à un "incident". On peut par exemple envisager d'interdire la fissuration (et donc la production) dans les zones où sont présents des aquifères d'eau potable (n'oublions pas que beaucoup d'aquifères contiennent de l'eau salée, chargé en arsenic, en plomb...)"
Là vous mélangez les genres. On ne doit pas s'inquiéter car "beaucoup d'aquifères contiennent de l'eau salée, chargé en arsenic, en plomb..". Dans quels aquifères nous approvionnons nous pour notre alimentation en eau potable? Sont ils suffisants? Va t'on en contaminer d'autres?
 
"Pour l'instant en France les puits en projets sont des puits d'exploration (on creuse à la verticale pour voir ce qu'il y a sous
nos pieds), ils ne sont pas utilisable pour créer une fracturation et encore moins pour produire du gaz de schiste. Ils témoignent uniquement d'un souhait de trouver du gaz et offrent aussi la possibilité de savoir si les aquifères rencontrés contiennent une eau potable ou pas. Nous sommes donc dans une situation où il est nécessaire de vérifier (et si nécessaire adapter) le cadre réglementaire de l'exploitation (car in fine c'est ce vers quoi on s'achemine). Il est aussi important de surveiller attentivement ces forages d'exploration pour éviter la tentation de faire passer un aquifère d'eau potable pour un aquifère d'eau saumâtre (afin d'augmenter les chances d'obtenir une autorisation d'exploiter le gisement). Le BRGM (bureau des recherches géologiques et minières) peut très certainement s'occuper de cette surveillance (à lacondition qu'il soit mandaté pour)."
Je suis désolé mais avant de donner votre avis sur la situation vous auriez du vous renseigner, l'état de la future exploration est tres avancé. En tant qu'ancien du BRGM je me pose des questions. Il ne sont pas à ma connaissance consultés pour l'instant alors que des permis seraient déposés (ou en cours).
Conclusion.
Vous avez parlé d'un problème, celui de la qualité de l'eau injectée avec des erreurs d'appréciation (mauvaise connaissance du problème).  Vous n'avez pas abordé les deux autres problèmes, très forts besoins en eau pour la fracturauin et accroissement de la sismicité.
Un peu de connaissance fait du mal à la société.
Bonne soirée à tous.
 

 



10/02/2014
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