Selon une étude - Le gaz de schiste serait un feu de paille
Les gaz de schiste ne seraient pas le «combustible de transition» entre les combustibles fossiles riches en carbone, comme le charbon et le pétrole, et n'auraient qu'un avenir très incertain dans le domaine des transports faute d'un système de distribution élaboré, contrairement aux assertions de cette industrie.
C'est ce qu'affirme une étude réalisée conjointement par l'Institut Pembina et la Fondation David Suzuki, qui se base notamment sur des modélisations réalisées par la firme EnviroEconomics.
En comparant diverses études, dont celles de l'Agence internationale de l'énergie, avec leur propre modélisation, les deux groupes en arrivent à la conclusion que les gaz de schiste vont certainement remplacer une partie du gaz naturel, dont les réserves déclinent présentement.
Mais, selon leur analyse, l'exploitation de ce nouveau combustible sur le marché ne devrait pas connaître de hausse substantielle. Au contraire, écrivent-ils, les différents scénarios étudiés indiquent que la production d'ici 2050 devrait se situer autour du statu quo sans interventions majeures des États et des provinces pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre.
Si, au contraire, les gouvernements en viennent à imposer un prix, même léger, aux émissions de carbone atmosphérique, les modèles évoqués dans ce rapport prédisent un net ralentissement de la hausse prévisible de la production de gaz. Et si les décideurs publics axent leurs politiques sur l'objectif de limiter la hausse du climat terrestre à 2 centigrades, soit l'objectif de la communauté internationale, «la production et l'utilisation de gaz naturel en Amérique du Nord augmenteront marginalement au-dessus des niveaux actuels avant de diminuer, ou elles amorceront leur déclin tout de suite», lit-on dans ce document (disponible sur notre site Internet).
Place importante
Le gaz naturel occupe présentement une place importante dans le bilan énergétique nord-américain, dont il représente le quart de l'énergie primaire.
Les ressources canadiennes pourraient satisfaire nos besoins pendant 100 ans au rythme de consommation actuel. Aux États-Unis, les réserves de gaz ont augmenté considérablement depuis qu'on exploite les gaz de schiste, au point que Washington estime qu'ils pourraient répondre aux besoins énergétiques du pays pendant un siècle aussi.
Si le gaz naturel est techniquement un gaz dont la combustion émet la moitié moins de carbone que le charbon, son cycle d'extraction modifierait sensiblement à la hausse son empreinte climatique, plus particulièrement celle des gaz de schiste. Un important débat scientifique a cours sur cette question.
Mais, selon l'étude, l'empreinte écologique de l'exploitation des gaz de schiste est beaucoup plus indiscutable que son empreinte climatique, ce qui entravera son développement, prévoit-on.
Les régions riches en gaz de schiste, selon cette étude, pourraient faire en effet l'objet d'une «industrialisation intense» au point qu'«un site de forage sera installé tous les 2,6 kilomètres carrés, ou chaque mille carré», transformant radicalement les milieux ruraux.
Selon l'étude, pour maintenir la production d'un volume de gaz donné sur une période de 25 ans, il faut environ 100 fois plus de sites de production que ne l'exige, par exemple, l'exploitation du gaz naturel dans le delta du Mackenzie.
Bilan mitigé
L'étude Pembina-Suzuki concède à l'industrie une de ses affirmations favorites: «Aucun cas n'a établi clairement que des produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique du gaz non traditionnel ont contaminé directement de l'eau douce souterraine.»
Mais, précise la même étude, «ce qui a nettement été établi, et à plusieurs endroits, c'est la migration du gaz naturel vers des sources d'eau potable par suite de la cimentation ou du tubage inadéquat de puits de forage, y compris dans des installations récentes de gaz de schiste.»
Le bilan du développement de cette industrie nouvelle est d'autant plus inquiétant, poursuit l'étude, que «la plupart des puits de pétrole et de gaz au Canada sont expressément exemptés des processus normaux d'évaluation environnementale provinciaux», notent les auteurs, qui ont fait un relevé des lois et règlements à travers le pays.
Ils notent aussi que les gouvernements ont tendance à faire gérer les aspects environnementaux de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste par leurs ministères à vocation économique, ce qu'on qualifie de «conflit d'intérêts», plutôt que par les ministères de l'Environnement, créés et équipés en principe pour gérer ces problèmes.
La question apparaît d'autant plus importante, selon l'étude, que «les autorités réglementaires canadiennes n'ont en général qu'une connaissance limitée de la structure des sources d'eau souterraine et ne disposent donc pas de l'information nécessaire pour évaluer correctement les risques que le développement du gaz et du pétrole fait peser sur l'eau».
Puisque la production d'énergie semble en voie de se diriger plutôt vers des énergies renouvelables que vers le gaz comme énergie de transition, l'étude suggère aux gouvernements de ralentir le développement de cette industrie, de cesser de lui conférer des privilèges fiscaux qu'ils n'accordent pas aux énergies renouvelables et de maintenir les niveaux de production en conformité avec leurs objectifs de réduction des gaz à effet de serre.
Le développement de cette industrie, concluent-ils, devrait à tout le moins faire l'objet dune évaluation des impacts cumulatifs de l'ensemble des projets prévus à l'échelle régionale et faire l'objet d'une validation rigoureuse de leur acceptabilité sociale tout en étant limité dans leur expansion par la nécessité de protéger les nappes souterraines à partir d'une cartographie élaborée, pour l'instant inexistante.
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